Le grenelle du sport pour l’insertion de « 250 000 jeunes des quartiers »

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Réunis lundi à Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise) pour le premier Conseil national des solutions par le sport, élus locaux, associatifs et sportifs adressent à l’État, aux régions et aux départements leurs dix propositions pour relancer concrètement le sport amateur dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Certaines, déjà inscrites noir sur blanc dans le plan « Banlieues » remis par Jean-Louis Borloo à Emmanuel Macron en 2018, n’ont toujours pas été suivies d’effets.

Un an quasiment après le début de la crise, les lumières d’alerte clignotent d’un rouge de plus en plus vif, à plus d’un titre, dans les banlieues françaises (lire Maire info du 1er février). Tantôt combatifs, tantôt inspirants, les témoignages sur l’insertion par le sport étaient pluriels, lundi sur le ring du premier Conseil national des solutions par le sport, mais la centaine de personnalités issues des mondes politique, associatif et sportif, invitées à s’exprimer, font toutes état des mêmes « constats sans appel », résume, pour Maire info, Benoît Jimenez, maire de Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise), ville hôte de l’événement. « C’est une digue républicaine qui est en train d’exploser ».

Rupture du lien social

Le désengagement du mécénat local, l’annulation d’événements et la non-reconduction massive des licences pour cause d’épidémie (- 23 % de licenciés sur un an à Allones (Sarthe), – 45 % à Garges-lès-Gonesse, – 50 % à Grigny dans l’Essonne) sont en train de plomber le modèle économique des clubs amateurs. Ils survivent avec les subventions de collectivités. Surtout, l’interdiction de pratiquer une activité sportive en intérieur (de nouveau en vigueur depuis mi-janvier) pour les mineurs, ajoutée à la décision en 2017 de supprimer les emplois aidés, a contribué à la rupture du lien social dans les quartiers où, peut-être plus qu’ailleurs, comme l’AMF l’a souligné, le sport est vecteur d’intégration et de cohésion sociale.
« L’inclusion par le sport, champ suffisamment investi par l’État, a pourtant fait ses preuves dans la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la radicalisation », confirmait Patrick Haddad, maire de Sarcelles (Val-d’Oise). Catherine Arenou, son homologue à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), « 40 ans d’indignation »  derrière elle, souhaiterait, à présent, que « l’on écoute, que l’on teste (nos idées) »  après les cris d’alarme répétés des maires ces dernières années (Appel de Grigny en 2017tribune du 14 novembre 2020).

« Former 5 000 coachs d’insertion par le sport »

Le collectif n’est, en effet, pas venu les mains vides et a mis sur la table dix propositions concrètes et budgétées qui concourent, toutes, à un objectif commun : « accompagner 250 000 jeunes en situation de décrochage scolaire ou professionnel vers l’insertion par le sport »  à l’horizon des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Le montant de l’investissement, estimé par le collectif d’élus, serait de 1 700 euros par jeune, soit un total de 85 millions d’euros. Mais sans surprise, entre les estimations des maires et les réponses chiffrées du ministère des Sports, c’est souvent le grand écart.
Pour « aller vers les jeunes éloignés de l’emploi », les élus parient, par exemple, sur un plan national de formation de 5 000 « coachs d’insertion par le sport »  (1 coach pour 45 jeunes par an, une ville comme Garges-lès-Gonesse pourrait disposer de cinq coaches). « Au-delà de la formation sportive qu’ils dispenseraient aux enfants, les coachs vérifieraient, par exemple, si les devoirs sont faits, accompagneraient les enfants dans la recherche de leur stage de 3e ou dans leur insertion professionnelle », explique plus concrètement Benoît Jimenez. D’un montant estimé à 37,5 millions d’euros d’ici 2024, ce plan était déjà inscrit noir sur blanc dans le plan sur les banlieues remis par Jean-Louis Borloo à Emmanuel Macron en mai 2018.

2 500 emplois sportifs supplémentaires d’ici 2022, répond Roxana Maracineanu

Roxana Maracineanu a bien prévu « une filière de formation d’éducateurs d’insertion sociale ». Pour rappel, l’Agence nationale du sport, a répété à Grigny la ministre chargée des Sports, au sortir du Conseil interministériel de la ville du 29 janvier, est « mandatée pour financer 2 500 emplois sportifs supplémentaires d’ici 2022 dont les premiers bénéficiaires seront les jeunes de moins de 25 ans habitant au sein de zones carencées ». Toutefois, Benoît Jimenez attend de voir : il pointe le fait qu’il « ne sait pas si ces 2 500 emplois sont des emplois spécifiquement « sport », si nos clubs sportifs pourront en bénéficier, ou au contraire si c’est un peu fourre-tout… ». « Ils seront thématisés selon nos priorités, notamment dans les cités éducatives (labellisation dans 200 territoires d’ici 2022) », a simplement évoqué, sans trop de détails, la ministre.
Toujours sur le volet « emploi », le ministère explique qu’avec le plan « 1 jeune 1 solution », 3 000 jeunes supplémentaires bénéficieront d’un accompagnement aux métiers du sport pour un budget de 12 millions d’euros, sans préciser sur combien de temps la mesure s’étalerait, et annonce que 200 « adultes relais sportifs »  seront installés pour « enrichir l’offre sportive dans les QPV ». Là encore, l’échéance n’est pas précisée. A côté, les maires réclament, eux, « un plan ambitieux de 10 000 emplois orientés vers les associations sportives ayant un impact social dans les quartiers ».

1 milliard d’euros réclamés pour « une nouvelle génération d’équipements sportifs dans les QPV »

S’agissant, enfin, de la pratique sportive en tant que telle, le Pass’Sport est censé « ramener les jeunes (6-16 ans) vers les clubs sportifs »  avec une aide à la prise de licence, assure-t-on au ministère, prêt, en outre, à investir 6 millions d’euros supplémentaires sur deux ans « pour soutenir les acteurs sportifs et socio-sportifs qui utilisent le sport comme vecteur d’insertion dans les quartiers ». Un montant très éloigné du fonds d’urgence de 50 millions d’euros que réclament les maires à leur attention.
Le décalage est du même ordre au chapitre des équipements sportifs. Les maires ont estimé à un peu plus d’un milliard d’euros le coût d’une « nouvelle génération d’équipements sportifs pour les QPV », quand, de son côté, le gouvernement a annoncé, vendredi, « un budget de 30 millions d’euros supplémentaires destiné au plan de rattrapage des équipements sportifs dans les quartiers prioritaires, avec plus de 1000 terrains de proximité soutenus dans les deux prochaines années ». Il s’ajoute, certes, aux « 50 millions d’euros du plan de relance dédiés à la rénovation énergétique des bâtiments sportifs dont la moitié sera prioritairement consacrée aux QPV, et aux investissements annuels dans le bâti sportif sur les crédits du ministère chargé des Sports ». Le taux d’équipements sportifs dans les quartiers prioritaires stagne à 22 sites pour 10 000 habitants, contre 34 en moyenne ailleurs.

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